MARSTRAND - Histoire d'une île - page 64

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résidence, et recommença à travailler au développement de la Norvège, tout en
pensant à la guerre prochaine avec la Suède et son roi Charles XI, guerre qui
comme on sait éclata en 1675.
Si le nom d’Hannibal Sehested est lié à Marstrand par les importantes
mesures que prit ce chancelier pour la prospérité de la ville, en revanche celui
de Gyldenlöwe est associé à l’une des dévastations les plus graves qu’ait
connue cette même ville aux temps modernes. Une des causes de cette affaire et
non la moindre fut le prix que le roi de Danemark attachait à son ancienne
possession de Marstrand avec ses puissantes fortifications: aussi la plus
importante des missions du chancelier norvégien pendant la campagne du
Bohuslän était-elle de reprendre la ville de Marstrand aux Suédois.
On peut dire que l’énergique chancelier ne se ménagea pas face aux
épreuves du siège. Il prit part personnellement aux travaux les plus rudes,
présent en particulier à côté des canons lourds sifflant sur les hauteurs de l’île
de Marstrand au dessus de l’actuel parc Saint-Erik, où il avait fait installer la
batterie qui finalement vint à bout du fort de Carlsten.
Aujourd’hui encore la colline en question conserve le souvenir de cette
remarquable conquête dans son nom « la raveline Antoinette », le nom que
Gyldenlöwe donna à la batterie: c’était celui de sa fiancée, la comtesse
Antoinette Augusta d’Oldenburg, avec qui le vainqueur célébra ses noces
immédiatement après la chute de Carlsten, quand sa carrière était au zénith.
Poésie de l’histoire !
Malgré les combats et tout le sang versé que Carlsten coûta à Christian V,
il ne lui fut pas permis, à lui ni à Gyldenlöwe d’en récolter les fruits. Les Danois
ne purent conserver Marstrand que deux ans, car dès 1677, l’année même où la
conquête eut lieu, commencèrent les négociations de paix à Nimègue, qui furent
ensuite poursuivies à Fontainebleau et Lund.
Christian tint ses conquêtes le plus longtemps qu’il put mais rencontra
constamment l’opposition des Français. Le roi de Danemark revendiqua d’abord
la Scanie et tout le Bohuslän mais réduisit ses demandes petit à petit à
seulement Karlskrona et Helsingborg pour finir par vouloir bien se contenter du
seul Marstrand. Ce fut la politique de puissance de Louis XIV qui cette fois
sauva Marstrand pour la Suède : au traité de paix du 23 août 1679 à
Fontainebleau le roi Christian reçut seulement le droit d’emporter quatre canons
métalliques du fort de Carlsten ! Tel fut tout le profit de la sanglante conquête
due à l’épée puissante de Gyldenlöwe.
Charles XI fut gagnant sur tous les points lors de cette paix: il retrouva
ses frontières intactes. Toutefois il dut en même temps avaler un certain nombre
d’amères pilules françaises, une situation qui le conduisit deux ans plus tard à
confier à Erik Dahlberg la mission de construire la grande forteresse, dont
relèvent les actuelles parties anciennes de Carlsten.
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